La spécificité du médium
Il sort de sa valise ce carnet. De sa poche , il sort ce stylo. Il écrit:
« Dépouiller le roman de tous les éléments qui n'appartiennent pas spécifiquement au roman. De même que la photographie, naguère, débarrassa la peinture du souci de certaines exactitudes, le phonographe nettoiera sans doute demain le roman de ses dialogues rapportés, dont le réaliste souvent se fait gloire. Les événements extérieurs, les accidents, les traumatismes appartiennent au cinéma; il sied que le roman les lui laisse. Même la description des personnages ne me paraît point appartenir proprement au genre. Oui vraiment, il ne me paraît pas que le roman pur (et en art, comme partout, la pureté seule m'importe) ait à s'en occuper. Non plus que ne fait le drame. Et qu'on ne vienne point dire que le dramaturge ne décrit pas ses personnages parce que le spectateur est appelé à les voir portés tout vivants sur la scène; car combien de fois n'avons-nous pas été gênés au théâtre, par l'acteur, et souffert de ce qu'il ressemblât si mal à celui que, sans lui, nous nous représentions si bien. — Le romancier, d'ordinaire, ne fait point suffisamment crédit à l'imagination du lecteur. »
— André Gide, Les Faux-Monnayeurs, Folio, p. 88.
Comparer à :
Pourtant, mettre en valeur la planéité inéluctable du support reste l’élément le plus fondamental des processus par lesquels l’art pictural se critique et se définit selon le modernisme. Seule la planéité est unique et propre à cet art. La forme contenante du support a été une condition limitative, une norme, commune à l’art du théâtre la couleur a été une norme, ou un moyen commun, avec la sculpture comme avec le théâtre.
La planéité, la bi-dimensionnalité, était la seule condition que la peinture ne partageait avec aucun autre art. Aussi la peinture moderniste s’est-elle orientée vers la planéité avant tout.
— Clement Greenberg, Modernist Painting in Art and Literature no. 4. Printemps 1965, traduction Anne-Marie Lavigne.